Près du lac Léman, dans le parc qui entoure l’Organisation mondiale du commerce, une petite tente attire l’attention par sa couleur vive. Elle marque l’espace comme un signal, un détail presque déplacé — signe que les routines quotidiennes et l’ordre officiel cohabitent avec des formes d’habitation plus fragiles. À première vue, on pourrait la confondre avec une publicité : les arbres derrière elle rappellent le fond d’écran d’un ordinateur. Pourtant, elle témoigne simplement d’une nuit passée ici, faute d’autre lieu où dormir.
Dans un recoin du parc, légèrement en retrait des chemins, une tente se dresse sous une bâche improvisée, pensée pour durer un peu plus que la nuit. Son emplacement, choisi à distance des regards, révèle une installation précaire mais réfléchie. Chaque pli du tissu, chaque attache, témoigne d’une adaptation silencieuse au terrain, à la lumière, aux passages humains. Rien ici n’affirme ni ne cherche à interpeller : seulement la trace d’une présence qui s’organise discrètement, à la limite du visible.
À l’écart des allées, une tente effondrée repose dans l’herbe, amas de toile plutôt qu’abri habitable. La matière est humide, les arceaux pliés : l’usage demeure lisible, mais la fonction de repos est compromise. Souvent montés la nuit puis repliés à l’aube, ces dispositifs cherchent à réduire l’exposition — une économie du provisoire entre apparaître et s’effacer. Ici, la forme affaissée atteste d’une adaptation contrainte : exister sans être vu, demeurer présent dans le seuil du visible.
Plus loin, entre les troncs, une bâche bleue s’étire. Sa couleur vive rompt l’homogénéité du feuillage, à la fois signal d’existence et tentative de dissimulation. Cet objet, fonctionnel avant tout, devient ici une trace d’adaptation. Improvisée, protection, il établit une forme de stabilité dans un contexte incertain. Le dispositif oscille entre refuge et signe, entre besoin matériel et présence symbolique.
Parmi la densité du feuillage, le bleu d’un sac de couchage attire le regard — laissé sans soin, déplié, abandonné.
Abri spontané, d’apparence jetable, il témoigne à la fois de l’urgence et du délaissement. Fragile dans son désordre, il condense la tension entre protection et abandon, entre présence et effacement.
Comme disposé par un artiste jouant avec les couleurs et les formes, un fagot de tissu renferme une énigme silencieuse.
Que contient ce paquet façonné à partir d’un sac de couchage ? Quels effets y sont pliés et gardés dans un recoin discret de l’un des parcs centraux de Genève ? Presque sculpturale dans sa présence, cette forme a été préparée avec soin, attendant d’être retrouvée la nuit suivante.
Un tapis est suspendu de façon énigmatique, peut-être pour sécher après une nuit humide. Ses motifs géométriques tranchent avec les formes organiques qui l’entourent. Objet de décoration et de confort domestique, il se retrouve ici déplacé dans un contexte qui n’est pas le sien. Ce geste, modeste et incertain, reste ouvert à l’interprétation — mais il évoque la volonté d’aménager un espace pour vivre, aussi fragile ou provisoire soit-il.
Dans l’ombre des arbres, quelques cartons et un tapis forment une couche fragile. Les matières pauvres dessinent une géométrie simple, un territoire de passage. La lumière du matin y dépose une douceur inattendue, presque domestique.
Une valise orange repose au milieu des feuilles sèches.
Ses angles rigides contrastent avec la souplesse du sous-bois.
Abandonnée ou cachée, elle semble porter la trace d’une arrivée accidentée.
Dans un espace vert, à quelques mètres du siège des Nations Unies, quelqu’un a choisi de dissimuler sa valise et une couverture sous une plateforme de bois. Ce lieu devient un espace de passage, un refuge nocturne où les effets personnels sont glissés à l’abri pendant le jour.